D’énormes progrès ont été réalisés au chapitre de la mise en œuvre du dépistage obligatoire d’alcool et du dépistage de drogue par voie orale en bordure de la route depuis l’adoption de ces mesures en 2018. Toutefois, selon l’analyse nationale réalisée par MADD Canada en consultation avec plusieurs services de police partout au Canada, on pourrait en faire davantage pour accroître le recours à ces mesures et maximiser la détection et la dissuasion de la conduite avec capacités affaiblies.  

Voulant évaluer l’utilisation et les obstacles à l’utilisation des mesures de dépistage de la conduite avec capacités affaiblies, MADD Canada a décidé de consulter un nombre de services de police aux quatre coins du pays. Le rapport qui en découle — « Analyse nationale : examen du projet de loi C-46 et du régime de dépistage de la conduite avec capacités affaiblies du Canada dans une optique d’application de la loi » — identifie les lacunes possibles du régime actuel, présente une vue d’ensemble, propose des solutions, et encourage le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires à adopter des réformes et fournir des ressources supplémentaires pour réduire la conduite avec capacités affaiblies.  

En 2018, les lois du Canada sur la conduite avec capacités affaiblies ont fait l’objet d’une refonte majeure par la promulgation du projet de loi C-46. Cette loi autorise entre autres le recours au dépistage obligatoire de l’alcool et au dépistage de drogue par voie orale en bordure de la route pour l’identification des conducteurs aux capacités affaiblies. Nous avons entrepris cette Analyse nationale dans le but d’évaluer l’utilisation actuelle de ces mesures et des autres outils de détection en vue de formuler des recommandations législatives et politiques aptes à accroître la détection et la dissuasion de la conduite avec capacités affaiblies.  

Des questionnaires détaillés ont été envoyés à 62 services de police afin de recueillir des données sur leur utilisation du dépistage obligatoire d’alcool, du dépistage de drogue par voie orale, des tests de sobriété normalisés, des évaluations de reconnaissance de drogues et des analyses de sang. Trente-huit services de police (dont les zones de desserte couvrent environ 70 % de la population du Canada) ont répondu au questionnaire. Il convient de noter que nous n’avons pas nommé ces services de police afin de protéger leur anonymat.  

L’analyse démontre que les services de police utilisent ces outils de dépistage, mais qu’il est possible d’en faire davantage pour veiller à ce qu’ils disposent des politiques, des ressources et de la formation nécessaires pour en maximiser l’efficacité.  

Voici les principales conclusions et recommandations de l’Analyse nationale :  

  • Les services de police devraient avoir comme objectif ultime de soumettre tous les conducteurs interpellés légalement au dépistage obligatoire d’alcool, pourvu que l’agent soit équipé d’un appareil de détection approuvé (ADA) ; 
  • Un système normalisé devrait être instauré pour recueillir des données sur l’utilisation des outils de détection et les résultats afin d’aider les décideurs et la police à prendre les meilleures décisions possibles et à optimiser l’utilisation des ressources ;  
  • Des ressources fédérales, provinciales et territoriales doivent être allouées à la fourniture de matériel amélioré de dépistage de drogue et à la formation d’un plus grand nombre d’agents ; 
  • Des mesures doivent être prises pour réduire les temps d’attente pour le prélèvement d’un échantillon de sang ainsi que les délais de traitement des analyses en laboratoire. 

« Les suggestions et les recommandations dans ce rapport s’adressent aux services de police, au gouvernement fédéral, ainsi qu’aux gouvernements des provinces et des territoires, a précisé Eric Dumschat, directeur des affaires légales de MADD Canada et auteur du rapport. MADD Canada se tient prêt à travailler avec tous les intervenants concernés. Ultimement, ce que nous voulons, c’est que le Canada ait le meilleur régime possible de dépistage de la conduite avec capacités affaiblies. »  

Vous trouverez ci-dessous un aperçu général des principaux problèmes identifiés dans le cadre de l’Analyse nationale ainsi que des réponses clés obtenues portant tout particulièrement sur le dépistage obligatoire d’alcool et le dépistage de drogue par voie orale. Veuillez consulter le rapport intégral pour obtenir des renseignements détaillés sur toutes les mesures de dépistage et l’ensemble des réponses. (Il est important de noter l’incidence de la pandémie de COVID-19 dans ce dossier, tel qu’expliqué dans le rapport.) 

Dépistage obligatoire d’alcool

Le dépistage obligatoire d’alcool autorise la police à exiger un échantillon d’haleine de tout conducteur intercepté légalement, pourvu que l’agent ait un appareil de détection approuvé à portée de main. Les recherches menées dans plusieurs pays depuis des décennies démontrent sans équivoque que les programmes exhaustifs de dépistage obligatoire d’alcool bien annoncés produisent des réductions considérables et soutenues des décès et blessures attribuables à l’alcool au volant. L’efficacité de cette mesure est liée au nombre de conducteurs soumis au dépistage ; autrement dit, afin de produire un effet dissuasif significatif, au moins un tiers des titulaires de permis de la juridiction doivent être soumis à un test de dépistage par année.  

Presque tous les services de police qui ont répondu au questionnaire utilisent une forme quelconque de dépistage obligatoire d’alcool ; certains ne l’utilisent que rarement, tandis que d’autres l’utilisent lors de chaque interaction ou contrôle routier. Dans certains cas, le dépistage obligatoire d’alcool doit être effectué lors de tous les contrôles routiers en vertu des politiques du service de police ; toutefois, dans de nombreux cas, la décision de procéder ou non au dépistage obligatoire est laissée à la discrétion de l’agent de la paix.  

Les services de police ont identifié plusieurs éléments qui font actuellement obstacle à l’utilisation du dépistage obligatoire d’alcool, notamment : absence de politiques claires au sein des services de police concernant les circonstances dans lesquelles il est approprié de procéder au dépistage obligatoire d’alcool ; nombre insuffisant d’appareils de détection approuvés ; réticence des gens à obtempérer aux demandes de dépistage obligatoire d’alcool légitimes en raison du manque de sensibilisation du public canadien au sujet du dépistage obligatoire d’alcool.  

« La fréquence d’utilisation est prometteuse en ce moment, mais des améliorations importantes s’imposent, a souligné M. Dumschat. Afin de profiter pleinement de tous les avantages du dépistage obligatoire d’alcool, nous estimons que toutes les juridictions devront prendre les mesures nécessaires pour généraliser le recours au dépistage obligatoire d’alcool de manière à ce qu’il devienne la norme lors de tous les contrôles routiers. Cela nécessitera forcément que les gouvernements et les services de police consacrent des ressources supplémentaires à la formation et à l’équipement. »  

Dépistage de drogue par analyse de salive

Des 38 services de police participants, 22 effectuent actuellement des dépistages de drogue par analyse de salive en bordure de la route ; toutefois, seulement 12 de ces services ont recueilli des données de suivi sur ces tests en 2019 et 2020. Parmi ces 12, le taux de dépistage a augmenté de près de 200 % entre 2019 (97 tests) et 2020 (307 tests). Toutefois, malgré cette hausse spectaculaire, le taux de dépistage demeure très faible. Comme le total combiné d’appareils de dépistage de ces 12 services de police s’élève à 194, ces chiffres ne représentent qu’une moyenne d’environ 1,5 test par appareil en 2020.  

« Les données recueillies dans le cadre de cette analyse concordent avec ce qui nous a été dit à titre anecdotique ; soit que le recours au dépistage de drogue par voie orale en bordure de la route est loin d’être répandu », a ajouté M. Dumschat.  

Nous pourrions en faire beaucoup plus pour augmenter l’utilisation des appareils de dépistage de drogue par analyse de salive en bordure de la route ; toutefois, il faudra d’abord éliminer de nombreux obstacles. Notamment : le manque d’agents formés (dû largement à la pandémie) et les préoccupations concernant les appareils mêmes, dont le fait qu’ils ne peuvent détecter qu’un nombre limité de drogues et qu’ils ne peuvent pas être utilisés à certaines températures, ainsi que les coûts associés à ces appareils.  

MADD Canada estime que les services de police devraient, à tout le moins, mener des projets pilotes pour évaluer le rôle du dépistage par voie orale dans leur régime de dépistage.   

Tests normalisés de sobriété (TNS) et évaluations de reconnaissance de drogues (ÉRD)

Comme le dépistage de drogue par voie orale ne se fait pas à grande échelle, il est essentiel de former les agents de police au test normalisé de sobriété sur le terrain (TNS). Bien que le nombre d’agents formés au TNS soit impressionnant (moyenne de 197 agents par service de police participant), MADD Canada croit que cette formation devrait être obligatoire pour tous les nouveaux agents de première ligne et que les efforts visant à former les agents de première ligne actuellement en fonction devraient être maintenus jusqu’à ce que tous les agents de première ligne aux quatre coins du pays soient formés. Des ressources supplémentaires devraient être consacrées à l’atteinte de ces objectifs. 

Les experts en reconnaissance de drogue du Canada sont une ressource incontournable dans la lutte contre la conduite avec les capacités affaiblies par la drogue, surtout du fait qu’il soit si difficile d’obtenir des échantillons de sang et de les faire analyser. Les services de police participants ont déclaré un total de 682 experts en reconnaissance de drogues actifs ; soit une moyenne de 18 experts par service. Toutefois, le nombre d’experts en reconnaissance de drogue diminue depuis un certain temps, ce qui est probablement dû à la pandémie et aux difficultés qui en découlent au chapitre de la formation de nouveaux agents et du renouvellement des certifications.  

« La pandémie nous a montré que le Canada ne devrait pas compter sur les programmes de formation étrangers pour maintenir son effectif d’experts en reconnaissance de drogues, a expliqué M. Dumschat. Nous croyons que le Canada devrait envisager d’étendre son  

programme de formation en reconnaissance de drogues, que nous devrions poursuivre les efforts visant à former un plus grand nombre d’agents et que des ressources supplémentaires devraient être débloquées pour veiller à ce que le Canada puisse continuer à former un nombre suffisant d’agents à l’utilisation des ÉRD. » 

Dépistage de drogue par analyse de sang

Les analyses d’urine pour confirmer la présence de drogues à la suite d’un résultat positif à une ÉRD demeurent le premier choix de la plupart des services de police participants. Bien que les analyses de sang soient la norme par excellence pour le dépistage de drogue, seulement six des services de police participants ont indiqué qu’ils demandent un prélèvement de sang à des fins de preuve lorsqu’une ÉRD révèle un affaiblissement des capacités. Quinze services de police ont indiqué qu’ils exigent parfois des échantillons de sang, quoique la majorité de ces derniers ont indiqué qu’ils préfèrent les analyses d’urine ou qu’ils n’exigent pas un échantillon de sang en premier lieu. 

Les services de police hésitent à demander des échantillons de sang à des fins de dépistage en raison des difficultés associées au prélèvement de ces échantillons en milieu hospitalier ; ces difficultés, à leur tour, sont largement attribuables à la réticence du personnel médical à prélever des échantillons de sang pour des enquêtes sur la conduite avec les capacités affaiblies et aux délais d’attente de plusieurs mois pour l’obtention des résultats des laboratoires du gouvernement ou de la GRC. Compte tenu de ces défis, il n’est pas difficile de comprendre ce qui motive les services de police à choisir des analyses d’urine plutôt que des analyses de sang.  

Ce problème pourrait être réglé de différents moyens : financer un plus grand nombre de laboratoires du gouvernement ou de la GRC, embaucher davantage de techniciens en laboratoires ou utiliser des laboratoires privés.  

Collecte de données

Pour terminer, l’Analyse nationale fait ressortir d’importants écarts dans la façon dont les services de police suivent les données sur le recours au dépistage obligatoire d’alcool et aux mesures de dépistage de drogue. MADD Canada recommande l’adoption d’un cadre normalisé de production de rapports pour faire en sorte que les statistiques soient plus exhaustives et cohérentes. Cela permettrait également de discerner plus facilement les tendances propres aux différentes juridictions et orienter les décisions concernant l’affectation et la distribution des ressources.